Prenez votre santé en main
Décor de studio de télévision : un bureau, téléphone, une plante verte, une brosse à dents, une poire à lavement, un thermomètre divers médicaments. Un(e) présentateur/trice costume cravate ou tailleur strict avec un gros caducée de médecin épinglé. Lunettes, mine sérieuse. Un jingle : « Pour bien préparer vos lendemains, prenez votre santé en main »
Petite musique douce en fond sonore : Jésus que ma joie demeure de JS Bach à la guitare classique (par Alexandre Lagoya) ou Petite musique de nuit de Mozart. Le/la Présentateur/trice est assis(e) à son bureau et parle sur un ton cordial et professionnel qui se veut rassurant.
Notre rubrique : « Prenez votre santé en main »
Madame,
Vous êtes encore jeune, dynamique, vous faites du sport et vous vous lavez régulièrement les dents. Tout va donc pour le mieux.
Par ailleurs, vous avez un fils, gentil, sympathique et – peut-être – dévoué, mais voilà, un petit nuage vient obscurcir l’horizon de félicité dans lequel baignait votre famille merveilleuse. Après votre jogging matinal et votre séance de yoga, votre fils vient de vous révéler qu’il se fait trois shoot par jour depuis un an, ce qui fait, à raison de 1 gramme d’héroïne en moyenne presque la moitié d’une cuillère (à café néanmoins) en injection intraveineuse. A la fin de la semaine, vous le calculez rapidement avant de vous évanouir, cela fait l’équivalent d’une grosse louche, au bout d’un trimestre, on en est presque à la moitié du saladier.
Étendue sur le carrelage froid de la cuisine, vous avez le temps de réfléchir à tout cela avant de ramper vers la salle de bains pour vomir tout votre repas de midi et une partie du petit déjeuner. Vous vous rendez compte que votre fils vomit également, pas d’inquiétude c’est simplement l’effet de la drogue, tous les héroïnomanes vomissent beaucoup. Ils ont également de très fortes diarrhées suivies de périodes de constipation aiguë. Maintenant remise de vos émotions, vous revenez dans la cuisine, c’est bien, voilà un bon réflexe, répétez-vous plusieurs fois, mentalement : « je vais bien, je prends ma santé en main ». Une fois dans la cuisine, essuyez-vous les restes de vomissures au coin des lèvres avec un chiffon doux pour ne pas vous blesser, et répétez une fois encore : «je vais bien, je prends ma santé en main ». Ensuite tournez-vous vers votre fils et regardez-le d’un air dégagé, comme s’il était, disons, un paquet de lessive ou un couteau à pain. Si vous vous sentez mieux avec l’idée qu’il pourrait être un paquet de choucroute n’hésitez pas, cela ne peut qu’améliorer les choses. De toute façon, votre progéniture est actuellement de train de baver sur la table de la cuisine, agitée de spasmes convulsifs les yeux vitreux et les dents jaunes. Vous engagez donc la conversion sur un terrain neutre, par exemple : « Tu devrais te laver les dents, tu sais, sinon tu vas avoir des caries plus tard ». Normalement sa réponse devrait tourner autour de : « Hmmmblblpff ! » ou quelque chose dans ce genre-là. Vous avez atteint votre but, vous avez pris votre santé en main, vous l’avez empêché de s’endormir. Forte de ce premier succès, vous continuez par une autre question anodine du type : « Et c’est pour te payer tes doses que tu as prostitué ta petite sœur ? » . Si tout se passe bien, il devrait simplement opiner de la tête mais il arrive que, trop abruti par son shoot, il ne puisse plus du tout remuer quoi que ce soit. Ne prenez pas cette réserve pour une dénégation, au fond de lui il sait bien que ce n’était pas très gentil et, très probablement, il regrette un peu car il a bon fond finalement.
Passons maintenant à la partie active du traitement car il s’agit ne l’oublions pas de prendre sa santé en main ! Vous aurez besoin d’un chien, assez gros et doté d’un solide appétit comme tous les gros chiens d’ailleurs. Si vous n’en avez pas, empruntez celui du voisin ou de votre grand-mère. Un doberman, un bas rouge, un dogue allemand feront parfaitement l’affaire. Toujours dans la cuisine vous demandez à la chair de votre chair s’il compte s’injecter sa saloperie encore longtemps. Là deux possibilités : soit, il vous répond sur un air bravache : « Ben ouais, pourquoi ? » et vous vous dirigez doucement vers le tiroir de la table de la cuisine soit (deuxième solution) il vous dit d’un air triste de chien battu : « non mamounette chérie, j’ai décidé d’arrêter demain ». Dans ce cas, ne le croyez surtout pas, tous les drogués sont des menteurs, c’est bien connu. Vous vous dirigez donc aussi vers le même tiroir en vous répétant mentalement : « je vais bien, je prends ma santé en main ! ». Vous pouvez en même temps pratiquer la respiration abdominale et quelque exercices d’étirements cela ne peut pas vous faire de mal, surtout à votre âge.
Nous voici parvenus à la dernière phase de votre traitement : il s’agit de prendre un couteau à boucher dans le tiroir de la cuisine (préalablement affûté si cela est possible) et le planter assez profondément juste au-dessus du nombril du dégénéré qui pollue votre espace vital. Ce coup-ci il devrait quand même bouger un peu mais rassurez-vous l’héroïne agira comme un puissant anesthésique, il ne devrait pas souffrir énormément surtout si vous faites vite et que vous avez déjà saigné un cochon ou égorgé un mouton, votre geste sera plus sûr. Vous tournez légèrement la lame en sens inverse des aiguilles d’une montre histoire de lui apprendre un peu de savoir-vivre (ce que votre éducation laxiste et désastreuse n’a jamais permis d’obtenir) puis vous remontez d’un mouvement sec et puissant de l’avant-bras pour vous arrêter aux premières côtes. Vous reculez de deux pas pour juger de l’efficacité de votre travail, c’est très bien, vous l’avez éventré. Il vous suffit maintenant de le dépecer en morceaux de taille moyenne. Si le chien est très gros (type saint-bernard ou grand loup des montagnes) vous pouvez même vous contenter de découper en quartier. Voilà tout est fini, il ne reste plus qu’à donner les morceaux au chien, vous venez de prendre votre santé en main, et de rétablir le calme dans votre maisonnée. Nous vous conseillons ensuite un peu de ménage et un brin de toilette sur fond de musique douce, du Mozart par exemple.
Demain, dans la même rubrique nous verrons comment sauver votre fille de la prostitution.
Ne rendez pas le chien tout de suite.